LE BURN-OUT DES SOIGNANTS
Le burn-out est le nom donné à la dépression par épuisement professionnel, il a pris des proportions tellement inquiétantes que de nombreuses enquêtes ont été diligentées et de nombreux accords professionnels ont été promulgués depuis une dizaine d’années. Ce phénomène existe dans toutes les professions, dans le milieu soignant il touche toutes les branches, tant salariées que libérales, à tel point qu’il déclenche l’abandon de la profession. Une enquête européenne (Press-next 2004-2006) a été conduite pour chercher des solutions. Un tiers des jeunes diplômés quittent la profession d’infirmier.
Le burn-out est donc tout à la fois un problème médical, social et politique
Définition : Le burn-out a été décrit pour la première fois en 1970 par le psychiatre-psychanalyste new-yorkais Herbert Freudenberger. Il soignait des toxicomanes bénévolement le soir après ses consultations et s’est lui-même épuisé à la tâche. Il s’agit donc d’un état d’épuisement, physique, émotionnel et mental grave qui touche l’être humain dans toutes les dimensions de son être. Il survient après de longs mois, ou années, d’exposition à des situations de stress intense. L’installation est insidieuse.
Cette dénomination fait référence au feu, burn-out veut dire feu qui s’éteint. Il pourrait être traduit comme le propose le philosophe Pascal Chabot par ‘exhaustion’.
Le burn-out n’est pas reconnu comme maladie professionnelle en France.
Quatre types de symptômes :
1 sur le plan physique : dans les formes les plus graves le patient est cloué au lit, sinon il présente une extrême fatigue, fatigue chronique qui ne cède pas au repos, les autres symptômes sont ceux induits par le stress :
- l’hyperactivité orthosympathique entraînant troubles cardiaques, respiratoires, tremblements,
- l’activation de l’axe hypothalamo-hypophysaire entraînant les symptômes de dérèglement endocrinien : thyroïdien, surrénalien,
- une augmentation des mutilations génétiques favorisant les maladies auto-immunes,
- l’augmentation de la perméabilité digestive entraînant des troubles digestifs et des maux de ventre,
- et la mise en place de contractures entraînant les troubles musculo-squelettiques (parmi lesquels la fibromyalgie), dorsalgies, sciatiques, maux de tête, etc.
2 Sur le plan comportemental apparaissent des attitudes rigides, des conduites addictives (tabac, alcool, substances toxiques), des débordements affectifs,
3 Sur le plan cognitif une incapacité à raisonner, à se décider, avec des difficultés de mémoire, symptômes proches de ceux de la dépression, Christophe Dejours psychiatre, psychanalyste professeur au Conservatoire des Arts et Métiers, parle d’anesthésie de la pensée,
4 Sur le plan relationnel : une diminution de l’engagement, des prises en charge défectueuses, des difficultés en équipe, des répercussions sur la vie de couple et de famille.
Il s’y associe souvent des symptômes de stress post-traumatique : cauchemars à répétition, revécu diurne de scènes traumatisantes, comportement d’évitement, hyper vigilance.Il peut aussi s’y associer des symptômes liés au harcèlement en particulier la peur et le doute de soi.
L’évolution la plus grave étant le suicide.
10000 suicides par an en France soit environ 15 pour 100.000 décès pour 200000 tentatives de suicide. Chez les professions de santé le taux est d’environ 34 pour 100.000 entre deux et trois fois plus que dans la population générale.
Le burn-out est un grave facteur de risque suicidaire.
Pour résumer : Le sujet se met en place un réflexe de survie : se couper de ses sensations et de ses ressentis, ne plus se laisser toucher, faire acte de présence.
Estelle Morin de l’Institut de Recherche Robert Sauvé en Santé et Sécurité du Travail au Québec dit que c’est lorsque les stratégies défensives deviennent inefficaces, qu’apparaissent les symptômes d’épuisement.
Pour Christophe De jours, qui mène des recherches sur ce sujet depuis 1998, la charge psychique du travail est fonction de la structure de personnalité qui détermine les satisfactions concrètes et symboliques. Il a repéré que ce qui est pathogène c’est l’organisation du travail bien plus que le travail lui-même. C’est le vécu qui impacte la santé. Il a exploré les mécanismes défensifs contre la peur chez les ouvriers de la chimie, je n’ai rien trouvé sur la peur chez les soignants sauf en qui concerne les agressions par patients, pratiquement 100 cas par an d’agressions déclarées chez les médecins libéraux. La nécessité de mettre des agents de sécurité dans les services d’urgence pour protéger le personnel soignant répond à une peur justifiée.
Le déni de la peur et de la souffrance chez les soignants reste très prégnant.
Quand la sensation n’est plus prise en compte, l’anesthésie de la pensée s’installe, à comprendre dans le sens que la pensée n’est plus reliée aux sensations, elle se met à fonctionner en boucle, ressassement, ruminations, inhibition de la réflexion, etc.
Causes psychiques : Didier Truchot6 7, professeur à l’université de Dijon, s’inspirant des travaux de Christina Maslach (1975) psychologue américaine, décrit trois dimensions de l’épuisement professionnel :
- L’épuisement émotionnel entraîne: démotivation, accablement, endurcissement, impossibilité de se ressourcer, perte d’empathie
- L’épuisement relationnel : entraîne la dépersonnalisation encore appelée deshumanisation. Le contact permanent avec des patients, leur famille, les collègues, les partenaires peut entraîner une tendance à dépersonnaliser ses patients pouvant aller jusqu’au cynisme et au désinvestissement.
- L’épuisement de l’auto appréciation personnelle, il y a diminution du sens de l’accomplissement personnel, auto dévaluation, perte de sens du métier, perte de fierté, démotivation pour continuer à se former. Apparait ce que Dejours 1998 a appelé la souffrance éthique, c’est l’expérience de la trahison de soi quand on ne peut plus effectuer son travail selon son sens du travail bien fait.